Le 26 août dernier, là où les vacances s’allongent au soleil et prennent leurs sens par un chalet à la campagne, nous partons vers cet horizon heureux. Une fringale ? Pas de souci comme on dit en France, et nous sommes partis chercher un bon petit resto à Sainte-Agathe. Il est quatorze heures, la crêperie est déjà fermée, hélas. Nous optons pour les plats italiens juste en face. Puis nous attendons, attendons et attendons encore, j’ai pensé partir à plusieurs reprises mais finalement la pizza de mon chum arrive et mes calmars suivent de près. Et nous repartons vers notre paysage d’été.
Les heures passant m’apportent une douleur au ventre qui croît sans relâche. Dans la nuit, vers quatre heures, nous décidons de nous rendre à l’urgence de l’hôpital – c’était devenu d’une intensité extrême. Je croyais que je connaissais la douleur associée aux nausées; j’en ai appris tellement plus sur leurs manifestations si pénibles. Tout liquide, y compris ma propre salive, m’était devenu insupportable.
Nous sommes l’été, l’urgence déborde et tous les médecins sont réquisitionnés de sorte que nous attendons, attendons et attendons. Je suis vue finalement à onze heures avec des symptômes indescriptibles. Je recrois rapidement de la morphine : merci, enfin je peux sentir que vivre n’est pas mourir! Le médecin croit que je devrai être opérée d’urgence pour la vésicule biliaire mais pour confirmer son diagnostic, il me fait passer un scan. Vers quatorze heures, je passe donc le scan et je vis une expérience agréable avec la technicienne qui a de l’humour. Puis nous attendons, attendons, attendons et vers vingt heures, j’entends le résultat du scan : l’empoisonnement alimentaire n’a pas endommagé mon système digestif, mais nous dépistons une tumeur de quatre à six cm sur l’ovaire droit. Le médecin qui me l’apprend voit tout de suite l’urgence de la situation et appelle l’oncologie du CHUM pour que je sois vue très rapidement. J’ai pu vivre entièrement mes vacances sans prise de rendez-vous au CHUM. J’ai été rencontrée un mois plus tard, soit le 27 septembre, par un chirurgien gynéco-oncologue. Après ma visite avec ce chirurgien, je comprends l’hypothèse sérieuse d’une tumeur cancéreuse; nous en saurons davantage après l’ablation de la tumeur et de tout le système reproducteur (utérus, ovaires et trompes de Fallope). Je m’attendais à cette intervention, ne serait-ce que par prévention. Je reste paisible car je ne me suggère pas que j’ai un cancer, j’attends de l’entendre prononcer par l’oncologue.
À partir de cette rencontre, toutes les étapes furent un feu roulant : hystérectomie le 17 novembre. Le 18 au matin, toujours hospitalisée, j’apprends à sept heures trente que la tumeur est bien cancéreuse, nous saurons plus tard son identité. Mais le chirurgien m’apprend qu’en pratiquant les ablations, il a remarqué du sang dans la sonde et dans la vessie... Je n’ai jamais eu de sang dans mon urine et du reste je ne suis jamais malade. Aussi je n’avais aucun symptôme pour le cancer de l’ovaire. On dit que c’est « un tueur silencieux ».
Oui en lisant des recherches, j’apprends que 85 % des femmes qui reçoivent ce diagnostic en meurent, car il est trop tard quand il est découvert : quand le cancer est trop avancé, c’est à ce moment qu’il amène des symptômes.
Je me rassure, je n’avais pas de symptômes, je ne fais donc pas partie de ce groupe. Revenons à l’opération : le chirurgien, voyant le sang dans la vessie, a fait venir la spécialiste de la vessie et celle-ci détecte une tumeur cancéreuse à l’aide d’une caméra insérée à l’intérieur de la vessie.
Je suis abasourdie, les mystères du hasard me sauvent la vie : l’empoisonnement alimentaire révèle une tumeur cancéreuse à l’ovaire, la chirurgie de l’ovaire révèle une tumeur à la vessie qui s’est avérée cancéreuse aussi. (Tout ceci grâce à deux médecins d’urgence très compétents, et un chirurgien et une spécialiste qui le sont tout autant.) En définitive, la vie ne peut plus être tenue pour acquise mais la mort, OUI, de toute évidence ! Je suis sous le choc, à sept heures trente du matin, le lendemain de la première chirurgie, j’apprends l’existence de deux cancers.
Par la suite, le feu roulant continue sa course. Je suis opérée pour le cancer de la vessie le 30 décembre, tel qu’estimé par la chirurgienne. L’opération se passe très bien et j’ai même une chimiothérapie locale dès mon réveil. Le processus continue de très bien se dérouler et surtout de rester prévisible, surtout pas de troisième cancer...
Tous les travailleurs de la santé sont remarquables : vigilants, compétents et réconfortants, quel entourage. Je me sens vraiment privilégiée d’être au Québec et de bénéficier de tous ces soins.
Opérée le 17 novembre puis le 30 décembre, le 6 janvier 2022 je reçois la première chimiothérapie sur les six qui sont prévues. Jusqu’à ce jour, je réagis très bien aux molécules puisque j’étais déjà en forme, je comprends que j’en bénéficie dans mes réactions. Cependant je dois dire que d’apprendre la survenue de deux cancers coup sur coup m’a révoltée. J’ai depuis des années un mode de vie auquel on prédit longévité et santé assurée. Allez-y voir! La vie est tellement « ratoureuse ».
J’aurai le troisième traitement de chimiothérapie dans deux jours et tout se passe très bien, je garde l’énergie, je dors bien (avec des somnifères). Le Décadron nous propulse dans une énergie fulgurante et conséquemment nous prive du sommeil.
C’est l’effet secondaire qui m’a le plus surprise au départ, et affectée. En contactant le médecin, j’ai pu gérer ce problème avec la médication. La perte de cheveux me fait sourire, et me donne des occasions de partage, de découvrir d’autres façons d’être coquette. Aussi, les ateliers BBDSP m’ont bien outillée et réconfortée. J’ai appris son existence par une amie qui a eu un cancer avec chimiothérapie il y a 10 ans. Elle en parlait avec beaucoup d’éloges, elle m’a convaincue.
J’ai assisté à deux ateliers BBDSP, sur les soins pour la peau et sur les bonnets, chapeaux et prothèses capillaires. J’ai beaucoup apprécié l’attitude très chaleureuse des présentatrices, leur humour et les informations pertinentes pour notre expérience, qui demeure exigeante et nouvelle. J’ai bien aimé le climat qu’elles ont installé entre nous. C’est une ressource importante, car elle nous informe et nous redonne un certain pouvoir sur ce que nous vivons.
Le changement d’apparence aura un impact qui variera en importance selon l’âge, la sévérité du cancer, son pronostic, l’estime de soi et les ressources de notre entourage. BBDSP nous donne l’expérience d’être accompagnées, d’éviter d’être seules, et d’être le mieux informées (ce qui rassure). Nous pouvons ainsi récupérer un pouvoir sur ce qui nous arrive, car le cancer nous tombe dessus sans crier gare. On n’y peut rien, il nous fait vivre beaucoup d’impuissance et un stress très intense. En nous donnant plusieurs outils très pertinents, BBDP a un impact thérapeutique significatif.
Ainsi nous récupérons un contrôle sur les effets du traitement sur notre apparence avec différents moyens d’agir. Nous pouvons ressentir notre pouvoir après avoir fait l’expérience de l’avoir totalement perdu et regagné notre confiance en nous. Ce sont des réussites très significatives et bien concrètes.
Je réalise que nous avons tellement besoin de solidarité sociale : l’équipe médicale, notre famille, nos amis, les organismes communautaires. Tous les contacts humains nous permettent le partage et l’entraide à un moment de grande vulnérabilité. Ils sont très précieux.
La Fondation Virage contribue dans ce sens à diffuser une foule d’informations, de contacts dont celui de BBSP. Mieux nous sommes informés, mieux nous pouvons réagir, retrouver un pouvoir d’action et de partage. C’est essentiel particulièrement dans les moments d’impasse que nous pouvons rencontrer.
Le hasard est omniprésent et pour contrecarrer ses effets déstabilisateurs, il est essentiel d’avoir tous les moyens d’action possibles, d’être bien entourés et de croire en nous pour résoudre ses embûches. Toutes les manifestations de la vie sont d’une grande beauté et je trouve important d’en rester émerveillée.