Tout comme la plupart des gens, les règles strictes de beauté dictées par la société m’affectent.
Encore aujourd’hui, je feuillète les magazines avec envie dans la salle d’attente de mon oncologue et de mon radiologue.
Je suis parfois obsédé par ce que je vais porter lors de célébrations reliées aux étapes importantes dans mon cheminement comme survivante. J’ai encore les larmes aux yeux lorsque je regarde aux photos de mes longs cheveux précancer.
Par contre, la journée où j’ai rasé mes cheveux, les sentiments que je ressentais face à moi-même et ma beauté ont commencé à contester ceux du monde.
Cette journée-là, je me suis sentie la plus belle.
Mais pourquoi? Se sentir belle dans cette situation me semblait inconcevable. J’avais perdu mes longs cheveux, j’avais de nouvelles cicatrices, j’étais bel et bien sous le seuil du poids acceptable pour mon âge et je n’avais pas la capacité de faire les efforts pour corriger cesdits « faux pas ».
En fait, je ressemblais au patient d’oncologie que j’étais.
Voici ce qui est arrivé cette journée-là. Je perdais mes cheveux rapidement depuis que mes traitements de chimiothérapie avaient débuté quelques semaines plus tôt. Je me retrouvais donc constamment dans des situations gênantes où je devais excuser ma perte de cheveux. J’en avais eu assez!
Cette journée-là, je m’étais donc décidé. Je raserais mes cheveux.
Ma mère m’a rejoint au salon où ma coiffeuse, elle-même une survivante du cancer, se préparais pour mon rendez-vous.
Au moment où je me faisais raser les cheveux, je ne pouvais presque pas regarder. Je pleurais. Je prenais des grands respires afin de me calmer.
Ce qui est le plus ironique, je ne pleurais pas à cause de la perte de mes cheveux. Plutôt, j’étais bouleversé du fait que j’en étais excité. Ce sentiment de hâte allait à l’encontre de ce que ma société considérait beau. J’allais à l’encontre de ce que je croyais me faisait une « femme. »
Quelques heures plus tard, je sortais pour la première fois sans cheveux. J’avais déjà choisi de ne pas porter de perruque et, dans cette instance, je ne portais pas de foulard non plus.
J’étais chauve, c’est tout.
Pour vous situer, mes parents et moi allions rencontrer autres membres de ma famille aux concerts hebdomadaires donnés dans un parc local. En marchant rencontrer le groupe, je ressentais les gens de tous âges me fixer.
Je viens d’une petite ville. Cela veut dire que plusieurs savaient déjà que j’avais le cancer. Leur regard le faisait clair, ma nouvelle tête chauve me faisait autant plus un patient d’oncologie que je l’étais déjà.
Éventuellement, nous avons rejoint ma tante, mon oncle et ma cousine qui nous attendait. Ils n’avaient aucune idée que j’étais chauve. Surprise!
C’était la réaction de ma tante qui m’a donné le courage d’accepter que je me sentais belle. Elle était tellement excitée lorsqu’elle m’a vu avec ma nouvelle coupe. Elle n’arrêtait pas de me répéter comment belle j’étais et comment mes traits facials ressortaient là que je n’avais plus de cheveux.
À partir de ce moment, je me suis regardée dans le miroir avec ultime admiration.
C’est difficile à expliquer. Dans ces moments, je pus me regarder dans le miroir en souriant. Je souriais, car je me sentais belle malgré mes imperfections.
Dans plusieurs façons, je me suis retrouvé en amour avec la personne que j’étais. Je n’étais plus fixé sur ce que je devais avoir l’aire pour un gars ou les parties de mon corps que je voulais cacher. J’étais finalement libéré de la peur et de la honte associée aux sentiments de se sentir belle.
J’étais heureuse.
J’étais belle.
Il faut mentionner que certaines journées n’étaient pas aussi faciles. J’ai haï mon cancer souvent puisqu’il m’avait enlevé ce que la société considérait les éléments de beauté de base. Par contre, la majorité des jours, j’ai eu la chance d’apprécier cette nouvelle liberté associée au sentiment de se sentir aussi belle.
Vous pensez peut-être que c’est facile pour moi d’écrire tout cela après mes traitements. J’ai des cheveux maintenant. Mes os ne sont plus visibles à cause de ma perte de poids. Je suis en santé et le monde me voit ainsi.
Je ressemble à celle que j’étais précancer (en gros).
Tout de même, je dirais que cet article fut plus difficile à écrire maintenant que ça aurait été durant mes traitements. Cette beauté si réelle, aujourd’hui, me semble cachée derrière la vie.
La vie de tous les jours après traitements rend difficile une chose : se rappeler qu’à cause de mon cancer, je comprends ce que c’est de se sentir belle.
J’avoue qu’aujourd’hui, c’est difficile pour moi de gérer les notions de beauté qui sont discutées autour de moi. La plupart des jours, je m’entends me plaindre que mes cheveux ne sont pas assez dressés ou, au contraire, qu’ils ne sont pas assez frisés.
Mais alors, je m’attrape à sourire dans le miroir en me préparant. Et donc, pour un simple et rapide moment dans le temps, je me souviens de cette belle fille qui fut reflétée dans le miroir il y a presque deux ans. Celle qui est passée à travers de tant depuis, elle est aussi belle que jamais.
Je viens à me souvenir du temps où je me sentais réellement belle. Un moment qui me tient au cœur.
Plusieurs sourires (surtout ceux que vous vous faites dans le miroir à cause que vous vous trouvez belle),
Gabrielle