De médecin à patiente : mon épreuve de …


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De médecin à patiente : mon épreuve de cancer en tant que pédiatre

30 novembre 2022 | par Tania Amardeil

En tant que pédiatre, je suis habituée à la place que j’occupe dans la relation patient-médecin. Je suis celle qui pose un diagnostic et traite, celle qui assure des soins et rassure – non pas celle qui reçoit un diagnostic qui transforme sa vie, celle qui découvre personnellement toute la brutalité de la chimiothérapie, et qui s’inquiète de son avenir. Je suis habituellement la personne qui porte la blouse blanche, pas la jaquette d’hôpital. Être médecin est un défi, mais c’est une position infiniment plus confortable et gratifiante que celle du patient atteint de cancer. Quand j’ai délaissé mon rôle de soignante pour être soignée, ma vie a basculé.

J’ai compris que quelque chose n’allait pas lorsque j’ai fait un autoexamen. J’ai contacté mon médecin de famille, et il m’a fait passer ma première mammographie. Le résultat était anormal. Il a été difficile de recevoir le diagnostic et de digérer l’information. J’ai l’habitude de prodiguer des soins aux patients, d’être à la troisième personne et d’appliquer les choses aux autres. Il a été incroyablement difficile d’apprendre à les appliquer à moi-même. Dès que j’ai reçu le diagnostic, les choses ont bougé rapidement – la biopsie, les examens par imagerie, l’opération. J’avais l’impression de ne pas avoir le temps d’assimiler toute l’information. Après l’opération, j’ai tout de suite entrepris la chimiothérapie et la radiothérapie.

Les médecins vous disent à quoi vous attendre pour la chimio, mais il est impossible de réellement comprendre avant de l’avoir vécu soi-même. J’ai eu presque tous les effets secondaires et les complications possibles – nausées fréquentes, vomissements, fatigue, faiblesse générale, déshydratation, anémie, plaies buccales, changements dans les selles, muguet et perte gustative. J’ai perdu beaucoup de poids, perdu mes cheveux, et mes ongles ont noirci. Et tout semblait si bruyant – je ne pouvais pas être dans la même pièce que mon mari quand il regardait la télévision à moins que le volume soit très bas, mais alors il me disait qu’il n’entendait rien. J’ai également été atteinte de neuropathie périphérique – engourdissement et douleur dans les mains et les pieds. Et j’ai eu d’importantes démangeaisons. La neuropathie périphérique était si sévère que nous avons pris la décision de cesser la chimio. 

La radiothérapie qui a suivi a également été un défi à sa manière. C’était fatigant. Il était exigeant d’aller à l’hôpital tous les jours, du lundi au vendredi, même si le traitement était de courte durée. Mon métabolisme était déjà affaibli par la chimio et donc la moindre chose, comme trouver un stationnement, devenait éprouvante. Il fallait que je prenne les choses un jour à la fois. Je ne planifiais rien une semaine ou un mois à l’avance, ni même pour le lendemain. Je me concentrais sur la journée qui m’attendait. 

Le médecin donne des diagnostics aux patients et explique les effets secondaires. Mais quand on vit soi-même l’épreuve, on acquiert une compréhension beaucoup plus intime et nuancée. Je n’ai pas réalisé, par exemple, que pendant près d’un mois après la radiothérapie, ma peau continuerait de se détériorer à l’endroit traité. Je suis une personne de couleur, alors ma peau était comme brûlée, puis elle a commencé à peler. Toute la zone traitée était très sensible. Aujourd’hui, même si tout est terminé, ma peau est encore très sensible au soleil et à la chaleur. 

Être une patiente m’a donné une nouvelle perspective et je me suis vue autrement, littéralement, car quand je me regardais dans le miroir, j’avais l’impression d’avoir devant moi une étrangère, qui me fixait. J’ai perdu mes cheveux, mais également mes sourcils et mes cils. La perception que j’avais de mon identité a complètement changé. Ma petite fille de cinq ans n’aimait pas me voir sans ma perruque. Elle me disait : « Tu ne ressembles pas à ma maman. » Ça, c’était difficile. Le traitement est maintenant terminé, mais je demeure une toute nouvelle moi. Je ne serai plus jamais la personne que j’étais avant le diagnostic. Même en tant que médecin, je ne crois pas que quoi que ce soit aurait pu me préparer à cette épreuve. 









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