Autisme et cancer : les aspects positif…


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Autisme et cancer : les aspects positifs inattendus des soins de ma sœur pendant un cancer avancé

4 septembre 2024 | par Paula Holmes-Rodman

« Je vais bientôt recevoir ma trousse de Belle et bien dans sa peau », a dit ma sœur Lindsey. « Je l’aurai sans doute la prochaine fois que tu viendras! » À 57 ans, ma grande sœur Lindsey vivait dans un hospice depuis déjà plusieurs mois. J’ai passé un automne auprès d’elle pour l’accompagner dans la récurrence de son cancer de l’ovaire.

À peine quelques mois plus tôt, son oncologue lui avait dit les mots les plus agréables à entendre : aucune présence de la maladie. En véritables sœurs, nous avons célébré par de folles dépenses en maquillage et produits de soins de la peau. Malheureusement, peu de temps après, Lindsey a eu des maux de tête affligeants et des étourdissements, et nous avons appris qu’ils étaient causés par une rare et accablante métastase au cerveau de 5,5 cm. Aucun traitement n’était possible. Lindsey devrait désormais intégrer un hospice offrant un environnement de type résidentiel et communautaire où elle pourrait recevoir les meilleurs soins possibles. 

J’ai passé presque tout un automne avec elle, tantôt à l’hôpital, où je dormais dans sa chambre, tantôt dans la maison de notre tante en Alberta, où je l’aidais à se rétablir. Or, depuis son installation à l’hospice, je lui rendais visite de la Colombie-Britannique tous les mois pendant une semaine. J’occupais une chambre d’invités à même l’hospice et nous passions ensemble du temps précieux. Je faisais tout ce que je pouvais pour la divertir, l’apaiser, la soutenir et faciliter les choses… en sachant bien que cela était tout et rien en même temps. 

Les émissions sur le maquillage, les soins de la peau et les cheveux rendaient Lindsey heureuse. Nous regardions pendant des heures nos séries favorites. Nous recherchions les plus récents produits de soins de la peau. Nous discutions des choix vestimentaires (parfois lamentables) des gens, et les nôtres. Tout cela représentait le pays de la normalité, le lieu du rire, du plaisir, des possibilités et de la transformation. Cela représentait également les sœurs que nous avions toujours été.

Quand la grande trousse mauve de Belle et bien dans sa peau est arrivée, j’étais justement en visite. Nous l’avons dépouillée comme si c’était Noël. Les produits ont été étalés sur le lit et la table, puis essayés et acclamés. Lindsey a lu toute la documentation qui les accompagnait, et nous étions toutes les deux d’accord pour dire qu’il s’agissait là d’un cadeau généreux. C’était exactement cela : un cadeau.

À mes yeux, ce n’était pas seulement une occasion de voir Lindsey heureuse et enthousiasmée par ce « grimage », comme nous disions pour tout ce qui était maquillage et soins de la peau. C’était une occasion bénie pour elle d’être… elle. C’était l’occasion pour Lindsey d’apprivoiser ses cheveux gris acier nouvellement repoussés et coupés courts, qu’elle portait avec un rouge à lèvres audacieux. Je remplissais ses sourcils et ajoutais une touche de couleur à ses pommettes pâles puis je croquais une photo avec mon cellulaire.

Peut-être que toutes celles qui reçoivent une grande trousse BBDSP mauve ont aussi une histoire à raconter. Je l’espère. Nous avons baptisé le séjour de Lindsey à l’hospice ses « jours papillon ». En partie parce que durant ces cinq mois, elle a pleinement accueilli qui elle était en tant que personne autiste en acceptant sa façon unique de communiquer, de traiter l’information, et ses besoins sensoriels. Elle s’est également sentie mieux dans sa peau et dans son environnement qui, lui, s’était d’une certaine manière parfaitement aligné avec ses besoins et désirs. Elle adorait les courbes de son corps, ses yeux verts et sa nouvelle coupe de cheveux insolente suite à sa chirurgie. Elle adorait les bénévoles de l’hospice, les programmes de soutien en cancérologie, les livres audio et ses exercices sur chaise – avec cathéter, déambulateur et tout. Sa chambre était remplie de pâtisseries maison, de douces couettes, d’art de la famille, de photographies et de cartes. Elle aimait les autres résidents et dégustait tous les jours du chocolat au déjeuner.

L’autisme est un spectre, ce qui signifie que chaque personne autiste a une combinaison unique de traits, de besoins en matière de soutien, d’intérêts et d’habiletés, lesquels peuvent changer au cours de sa vie. Le cancer peut par ailleurs entraîner des changements radicaux et exiger une adaptation, une éducation et une réévaluation de la part du patient, des fournisseurs de soins de la santé et des proches.

La vie à l’hospice a bien fonctionné pour Lindsey en raison de son grand besoin de routine et de prévisibilité: elle avait un horaire fixe pour les repas et le ménage, un personnel de soins et de soutien amical qu’elle a appris à connaître. L’hospice était beaucoup plus silencieux et paisible que les sections multiples de l’hôpital, qui avait défini une grande partie de son expérience de cancer. Ses besoins sensoriels n’étaient pas surchargés et mis à l’épreuve au-delà de leurs capacités par les annonces incessantes à l’interphone, les alarmes de lit et les sonnettes de potences pour intraveineuses en arrière-plan. À l’hospice, elle pouvait socialiser et suivre ses programmes de soins en cancérologie sur une base individuelle. Les inscriptions médicales moins précipitées étaient faites par des fournisseurs de soins de la santé familiers, ce qui lui permettait de participer pleinement à chacun. Elle avait plus de temps et d’espace pour prendre ses propres décisions et accorder son consentement sur d’importants sujets médicaux et légaux dans un environnement calme et encourageant. 

Je suis encore à la recherche d’un équilibre entre chagrin et gratitude. Il est ironique que Lindsey ait connu cet endroit « idéal » pour une patiente autiste atteinte de cancer dans les cinq derniers mois de sa vie. Esst-ce sa nouvelle attitude « aimez-moi comme je suis ou passez au suivant » qui lui a fait jouir d’une fin de vie dans la liberté, la joie et la fierté? De la découvrir folichonne/rieuse/portant tous les jours du rouge à lèvres corail/s’offrant un traitement facial d’une heure chaque soir m’enchantait après l’avoir vue, pendant cinq décennies, les ailes coupées, tranquillisée, réduite au silence, ignorée et incomprise.

J’étais à la fois ébahie et ravie qu’elle se découvre une passion pour les musicaux et les microjardins, qu’elle se réjouisse de regarder ses mèmes de chats favoris et de raconter ses histoires de famille préférées. Elle avait abandonné ses dialogues intérieurs autour du cancer : devrais-je porter une perruque?, devrais-je me soucier du gain de poids causé par les doses élevées de stéroïdes? Elle priorisait son sentiment de soi et se délectait de luxueux rituels de soins. Belle et bien dans sa peau était un aspect essentiel de ces jours papillon. Et j’en serai toujours reconnaissante. 
 









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