C’était le matin de Noël. Tout en prenant ma douche, je pensais à mes enfants, aux célébrations et aux derniers préparatifs quand j’ai senti la bosse pour la première fois. Je voulais croire que ce n’était rien, comme me l’avaient affirmé les médecins quand j’allaitais et que mes conduits lactifères étaient obstrués. Mais, dans mon for intérieur, j’avais le sentiment que cette fois c’était différent.
Lorsque j’ai quitté le Bangladesh, il y a cinq ans, pour m’établir au Canada avec mon mari et mes deux jeunes enfants, j’étais loin d’imaginer que peu de temps après, je ferais face à un cancer du sein de stade trois dans mon nouveau pays, à des milliers de kilomètres de ma famille. Je me suis sentie si seule. Et j’avais beaucoup de mal à accepter mon diagnostic. J’ai toujours mené une vie saine et disciplinée. J’étais celle qui savait quels aliments il était bon de consommer, et comment vivre de la bonne manière. Je faisais tout correctement et pourtant j’étais celle qui était atteinte d’un cancer. Ça me semblait injuste.
J’avais de la difficulté à accepter ce qui m’arrivait, mais une chose était claire : je n’avais d’autre choix que de faire face à ce qui m’attendait. J’avais des enfants, j’avais une famille – je voulais vivre.
Mon traitement comportait une série de huit séances de chimiothérapie, une tumorectomie et 19 séances de radiothérapie. J’ai caché tant que j’ai pu ma douleur, mes nausées et ma tristesse à mon mari, mon fils et ma fille. Je ne voulais pas que mon mari perde courage – il en avait tant sur les épaules, ne serait-ce que de s’occuper de moi et des enfants. Il n’y avait personne vers qui je pouvais me tourner, à qui je pouvais parler.
J’étais désespérément stressée et frustrée. Et je me sentais si impuissante. J’étais une personne très indépendante qui soudain ne pouvait plus faire grand-chose par elle-même.
Heureusement, j’ai réalisé que cette situation n’allait pas être permanente. Je savais que je me porterais mieux après les traitements. J’ai donc accepté la douleur et la réalité à laquelle j’étais confrontée. J’ai enduré les vomissements, les nausées et les brûlures douloureuses de la radiothérapie. Puis, petit à petit, mon état s’est amélioré. J’ai trouvé du soutien. J’ai trouvé de la force. Et des rayons d’espoir ont percé le gros nuage sombre du cancer.
Chaque nuage a son côté positif, comme on dit au Bangladesh : « shesh bhalo jar, shob bhalo tar » ou « tout est bien qui finit bien ». Malgré les épreuves, le cancer m’a fait offrande de cadeaux inattendus. Quand mes cheveux ont repoussé après mon traitement, pour la première fois, ils étaient bouclés – une chose dont j’ai toujours rêvé. Maintenant que la chimio est terminée, ma peau est beaucoup mieux. Et j’ai pu reprendre les défilés, grâce à Belle et bien dans sa peau (BBDSP). Dans mon pays natal, j’étais mannequin, mais j’ai dû abandonner cette carrière lorsque je suis venue vivre au Canada. Ma participation à la séance de photographie de BBDSP a ramené une foule de beaux souvenirs. Le fait de me retrouver à nouveau sous les feux de la rampe me procurait une sensation formidable.
Le cancer a également fait de moi un être meilleur. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus forte mentalement et je vis ma vie avec une profonde gratitude. Je suis prête à être une bonne conseillère pour toute personne qui traverse une épreuve de cancer. Je tiens à contribuer, à redonner. Je veux partager mon histoire et ma positivité afin de soutenir d’autres personnes atteintes de cancer – surtout dans mon pays natal, où les ressources pour traiter le cancer sont limitées. Au Canada, j’ai reçu les meilleurs traitements qui soient contre le cancer. Mais au Bangladesh, un pays en développement, les personnes atteintes de cancer souffrent énormément. J’espère y retourner un jour pour partager ce que j’ai appris et soutenir ceux et celles qui en ont le plus besoin.